mercredi 22 mai 2013

[Etude] L’utilisation des réseaux sociaux par la Presse Quotidienne Française


Introduction

Depuis maintenant près de dix ans, la presse internet est passée devant la presse papier en tant que source d’information tout en restant derrière la télévision. Pendant cette même période, la presse quotidienne française a beaucoup souffert de ce nouveau média qui prenait peu à peu sa place dans les habitudes françaises. De nombreux titres de presse ont disparu et ceux encore existants ont vu leurs ventes s’effondrer.
Il a fallu pourtant presque autant d’années à l’industrie journalistique papier pour s’adapter complètement à ce nouveau support et proposer des contenus complémentaires via internet. Aujourd’hui, ces mêmes supports de presse ont reconquis le cœur des français grâce à une présence tentaculaire sur les nouvelles écrites mais également via les réseaux sociaux, devenus entre temps un espace indissociable de l’échange d’informations.
Selon une étude réalisée par CNN, OTX & Pownar en 2010 (The Power of News and Recommandation), près de 43% des échanges d’informations de type « nouvelles » se faisaient via les réseaux sociaux contre seulement 30% par mail.


La présence d’un titre de presse quotidienne sur les réseaux sociaux est donc devenue indispensable pour sa survie.


Les nouvelles pratiques journalistiques liées aux réseaux sociaux

L’avènement de l’internet participatif a forcé les titres de presse à s’adapter. Les réseaux sociaux et les blogs ont changé la donne. L’information a, en partie, quitté les mains du journaliste pour parvenir à celles de l’individu lambda.
Cependant, et avant tout, les réseaux sociaux sont des média de diffusion : via la plateforme ou via le transfert. Toujours selon l’étude de 2010 de CNN, certains reportages disponibles sur internet créent un trafic qui - jusqu’à 80% - peut provenir des réseaux sociaux. Cela s’explique par une règle de psychologie simple : on a tendance à cliquer plus facilement sur un lien provenant d’un ami que toute autre source. Et cette même raison pourrait expliquer à elle seule l’explosion du média social.
Pour autant, ce n’est pas la seule explication du développement de la presse quotidienne via les réseaux sociaux :

L’arrivée de la presse quotidienne sur les réseaux sociaux

Suite aux chutes vertigineuses des ventes des versions papiers, les titres de presse quotidienne française ont décidé d’aller chercher le public là où il se trouvait : sur internet, et plus précisément sur les différents réseaux sociaux.
Facebook est notamment la 1ère source d’information pour 9% des 18-34 ans et est en général, bien devant la presse papier puisque plus de 30% d’entre eux (contre 22% pour la presse papier) utilise Facebook comme source d’information selon Médiamétrie.

Les réseaux sociaux ont l’avantage de constituer un contact direct et diffusent l’actualité quasiment en temps réel. Si les titres de presse ont accepté de perdre le contrôle de la diffusion que constituait le papier, cela a été effectué dans le but d’acquérir un autre type d’informations : volume, heure de publication la plus efficace, cible touchée, géolocalisation, profil du lecteur…
Il faut également savoir que les derniers algorithmes de SEO (search engine optimization) prennent de plus en plus en compte le SMO (social media optimization) : être présent sur les réseaux est donc une question de survie.

Les changements de la sphère journalistique

Les transformations de la presse papier ne se sont pas limitées à une translation partielle de support. Elles se sont prolongées bien plus loin, pour transformer le métier même du journaliste.
Comme nous l’avons dit plus haut, l’information a en partie changé de main et n’importe qui peut s’improviser pseudo-journaliste d’un jour à condition d’avoir l’information qui fera l’exclusivité. Mais surtout, le titre ne devient plus média à lui seul : il devient source. Chacun de ses journalistes devient média, chaque individu qui ouvre un blog sur ce titre devient média, chaque personne utilisant, partageant, un article sur les réseaux sociaux devient média.
C’est dans la conscience de ces nouveaux modes de consommation journalistiques que les professionnels du secteur se sont adaptés. Par exemple, c’est lors du printemps arabe que le principe du « live-tweet » s’est développé : les informations contrôlées par les média à la solde des pouvoirs locaux ne suffisaient plus et la diffusion d’informations a été reprise par la population. C’est le principe du web participatif qui prend place dans le monde de la presse.
Ce principe de « crowd newsing » est devenu courant et encouragé comme le montre le système de BFM : http://temoins.bfmtv.com/. C’est également ce qu’ont entrepris certains sites comme Agoravox ou dans une moindre mesure Rue89, MediaPart ou Atlantico depuis 2005 en offrant la possibilité à « n’importe qui » (avec un certain contrôle) de devenir rédacteur bénévole.
Ces titres « pure-player » qui n’existent que sur internet (Rue89 dispose maintenant d’une version papier mensuelle) ont pris une importance telle que le plus gros représentant de ces derniers : Rue89, a été racheté par le NouvelObs fin 2011.
Sans offrir la même possibilité, certains titres de presse ont ouvert des « blogs » qui ont été « offerts » à quelques personnalités considérées comme influentes dans leur domaine et qui sont rémunérées pour fournir un contenu qui n’apparaît pas dans la formule papier mais qui est toutefois mis en avant sur le site web ou via les applications mobiles.

Maintenant que nous avons jeté un coup d’œil aux nouvelles pratiques journalistiques, regardons un peu la présence des divers quotidiens français sur les réseaux sociaux « classiques » : Facebook et Twitter.


Facebook : Un espace de diffusion

Comme nous l’avons vu plus haut, Facebook est, pour une certaine tranche de la population une source évidente – voire principale – d’information. Facebook représentait en 2010, 14% des échanges de news via internet.
Selon Journalismes Info, pour le cas du site du « Monde », les visites issues de Facebook ont été multipliées par 5 entre février 2010 et février 2011 pour atteindre 2.5% de l’audience totale du site web (contre 18% pour les moteurs de recherche). Cette augmentation se retrouve partout en Europe puisque sur les cinq premiers journaux européens, 7.4% des visites provenaient (en 2011) de Facebook (contre 1.5% pour les journaux français à la même période).


Regardons quels sont les titres de presse les plus présents sur Facebook selon leur nombre de fans :


Sur le Top 10 des fournisseurs de news quotidiennes, nous retrouvons cinq titres de PQN (Presse Quotidienne Nationale) - dont un gratuit -, un titre de PQR (PQ Régionale), trois Pure-Players, et une agence de presse.
On observe surtout que Facebook est un domaine où dominent trois titres de PQN : [Le Parisien – Aujourd’hui en France] ; Le Monde et Le Figaro. Pourtant, en volume de tirages, ces titres ne sont que 5, 6 et 7ème derrière notamment les quotidiens gratuits ou Ouest France. Ils dépassent tous les 500.000 fans quand 20 Minutes en dénombre un peu plus de 160.000.
Pour autant, le contenu des diverses pages Facebook ne diverge que peu : les infos abordées restent relativement identiques d’un titre à l’autre et le community management sur ces pages ne se contente que de relayer les articles publiés sur les sites. Il semblerait donc que les « fans » utilisent plus le support comme une sorte de flux RSS d’informations, afin d’avoir une instantanéité sur les nouvelles.
Du côté du taux d’engagement, les titres de journaux se portent plutôt bien avec des taux logarithmiques qui vont de 65 à 90%  : commenter l’actualité semble être une chose naturelle pour bon nombre de fans ; quitte, parfois, à laisser à tout jamais l’empreinte de ses avis politisés sur une page publique, ouverte à tous…


Twitter : Le direct en direct

Twitter a été le premier vrai refuge social des journalistes. Son côté instantané et son format court, ont permis aux journalistes d’y trouver un moyen simple de communiquer des informations qui ne méritaient pas un article entier ou qu’ils pouvaient simplement compléter ou partager sans avoir à les formuler en 1.500 caractères (format usuel d’un article).
Certains journalistes sont même devenus très influents sur la Twittosphère : les plus suivis : Jean-Jacques Bourdin de la radio RMC ou Christophe Barbier de l’Express
rassemblent plus de 200.000 followers. A titre comparatif, s’ils avaient été inclus dans le graphique ci-après, ils auraient trusté la 9ème et 10ème place.
Les titres de presse, tout comme les journalistes se sont également emparés très rapidement du réseau social de micro-blogging et, pour de nombreux titres de presse, Twitter est même devenu plus important que Facebook : plus de la moitié des titres de presse quotidienne et des pure-players ont plus de « followers » que de « fans ». Le fait que la portée de Twitter soit supérieure à celle de Facebook est pourtant particulière et quasiment exclusive au monde de l’information puisque l’on compte cinq fois plus d’utilisateurs Facebook que de Twittos.
Twitter devient tellement puissant qu’en 2010, un article du New York Times était retweeté toutes les 4 secondes.

Jetons un coup d’œil au top 10 :


Le Monde avec ses 1.500.000 followers – ce qui en fait le 3ème compte Twitter français derrière David Guetta (qui tweet en anglais) et Twitter Français (qui est un conseil d’abonnement à l’inscription) – prend la première place avec plus de deux fois le nombre de followers de 20 Minutes. Il est intéressant de voir toute l’importance d’un tel chiffre : le site LeMonde.fr disposait en août dernier de 6.8 millions de visiteurs uniques, ce qui signifierait qu’en théorie 22% du trafic unique pourrait provenir de Twitter. Nous n’énonçons ici que des suppositions bien entendu, puisqu’un follower ne clique pas forcément sur un lien qui lui est proposé et également car un follower peut accéder au site par d’autres moyens. Toutefois, cela nous donne un aperçu de toute la puissance d’un réseau social aussi simple que ne l’est Twitter.


L’importance des réseaux sociaux et du mobile dans la diffusion d’un titre de presse :

Nous avons pu observer les nouvelles pratiques journalistiques qu’ont imposées les réseaux sociaux puis nous nous sommes arrêtés sur les deux principaux réseaux sociaux français.

Mais d’un point de vue « top », cela ne nous offre que des chiffres sans vraiment les mettre en rapport avec la force du titre de presse vis-à-vis de sa version papier. Voici donc un top 10 qui répond à l’équation toute simple : (Fans Facebook + Followers Twitter) / Nombre de tirages papier (source OJD-Médiamétrie).


Voici le résultat :


Comme vous pouvez le voir, seuls cinq titres de presse nationale ont un ratio supérieur à un. Cela signifie que la presse française notamment régionale reste en léger retard sur les réseaux sociaux. On pourra toutefois noter que les Pure-Players ou l’AFP ne peuvent pas être dans ce top vu leur diffusion papier nulle.
Nous avons donc complété ces chiffres par un classement qui utilise le nombre de VU (visiteurs uniques) sur les sites web des titres de presse afin de comparer leur trafic et leur importance sur les réseaux sociaux en suivant toujours l’équation basique suivante : 10*(nombre de fans Facebook + nombre de followers Twitter) / Nombre de VU.

Voici le résultat :



Dès lors que l’on se concentre sur internet, les pure-players, dont c’est la spécialité, explosent nos ratios. On peut évidemment parler du premier : Médiapart dont l’accès aux articles sur le site est payant ; les réseaux sociaux sont donc un accès simple à  des résumés de ces mêmes articles. Suivent ensuite Rue89 et Slate qui sont également deux sites dont la base de fans est – relativement à leur trafic – très élevée.
Pour les titres de presse classiques le ratio est plus faible car les sites sont très fréquentés : pour le Figaro.fr, on parle de 9 millions de visiteurs uniques ! Comparativement, Facebook est à 25 millions, Amazon 13 millions, Pôle Emploi 6 millions.

Cependant, ces dernières années, une autre alternative s’est développée : l’internet mobile, notamment grâce au système d’applications.
Nous avons récupéré les données des visiteurs uniques issus de ces applications mobiles et tablettes de différents titres de presse via l’OJD pour les chiffres d’avril 2013.


Nous voyons alors que, notamment pour les premiers, la part du web est non négligeable. Si l’on ne peut pas encore dédupliquer les visiteurs web ET mobile, nous pouvons toutefois observer que le trafic mobile représente une part équivalente à 35% (pour Le Monde) du trafic web classique.


Conclusion :

Les titres de presse quotidienne français ont été relativement réactifs lors de l’arrivée des réseaux sociaux avec leur marque forte et sont moins « Google dépendants ». Ils s’y sont installés rapidement et y ont fait leur place. Pour autant, ces mêmes journaux doivent réussir à trouver le compromis qui leur permettra de compenser la baisse des abonnements et des ventes papier.
Ce compromis passera sûrement par les réseaux sociaux comme source de trafic et par les applications mobiles comme nouveau média.





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Emeric Fouqué





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